Une excursion au Pays basque en compagnie des sorcières, n’oubliez pas votre crapaud !

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Une chose est sûre, n'oubliez pas votre crapaud !

Sorcières et crapauds, un mélange qui détonne

Par Josane Charpentier

Une femme vénérée

La « Sorguiña » (sorcière, en basque) a souvent été détestée, torturée, brûlée mais son rôle dans la société était immense. Elle occupait le rôle de médecin pour les plus démunis. Elle faisait aussi office de sage-femme, de guérisseuse et même, parfois d’avorteuse. Elle connaissait les plantes médicinales depuis son enfance, car c’étaient des secrets qui se transmettaient de mère en fille et elle savait les utiliser : les plantes qui guérissent, celles qui endorment les douleurs… et celles qui tuent.

« Une dose guérit, deux doses endorment, trois doses tuent »

Elle connaissait l’heure où il faut cueillir les simples pour qu’elles soient efficaces, et elle savait presque toujours les doser très exactement, car il y a des plantes utiles, mais qui sont dangereuses à une certaine dose ; telle la mandragore qu’on trouvait alors assez facilement. Elle savait préparer les charmes qui rendent amoureux, et les filles venaient la trouver pour avoir le mari désiré. Ou bien elle pouvait fabriquer les philtres qui redonnent la vigueur à l’homme mûr épris d’un fruit vert. Elle savait calmer les douleurs de la femme en couches, sans doute avec le suc de la jusquiame et de la belladone ; et mettre sur les plaies l’onguent qui les cicatrisera et évitera l’infection. Elle prédisait l’avenir et donnait des conseils. On l’écoutait et on la vénérait.

The Magic Circle, John William Waterhouse, 1886

Le crapaud

En fait, le crapaud, animal magique et mystérieux, est si intimement lié à l’idée de sorcellerie et de sabbat qu’il semble nécessaire de chercher ce qu’il pouvait représenter pour les accusés et pour les juges.

Depuis toujours, depuis la plus lointaine Antiquité, le crapaud était considéré comme un animal étrange et magique et, pour les Anciens, les batraciens naissaient dans les nuages et tombaient avec la pluie sur la terre.

Il est probable qu’une légende curieuse ait persisté au Pays basque, car de Lancre nous conte un événement qui aurait eu lieu avant son arrivée. Il n’y assista pas ; cependant il ne le mettait pas en doute et il nous donne comme véridique ce fait qui se passa lors de l’exécution d’une, sorcière de Labourd, Soubadine de Soubiette : Lorsqu’elle monta sur le bûcher, « il sortit de dessus sa tête une fourmilière de crapauds, après lesquels le peuple se rua si fort à coups de bâton et de pierres, qu’elle fut plus lapidée que brûlée. Mais avec tout cet assaut, il ne fut plus en la puissance du peuple de faire mourir un crapaud noir qui parut par-dessus les autres, lequel triompha des flammes, des bâtons et d’une milliasse de pierres, et en dépit du peuple, se sauva comme un démon immortel, en tel lieu qu’on ne le sût jamais trouver ».

Sculpture représentant un crapaud à Jersey

Des crapauds bien soignés

Dans les maisons particulières, on pouvait rencontrer, paraît-il, des crapauds richement vêtus et bien traités et, lors d’une arrestation, les gens d’armes avaient ordre de perquisitionner au domicile des accusés et de « rechercher diligemment tous les endroits de la maison si on n’y trouvait point de crapauds habillés en livrée ».

À ce sujet, de Lancre nous conte une anecdote qui se situait en Gascogne, au mois de septembre de 1610 : « Comme un honnête homme se promenait parmi les champs, il vit un chien se tourmenter après et ès environ d’un trou, comme s’il y fut entré quelque lièvre ou autre proie… » On s’étonna de cela. « On ouvre ce trou, il se trouva dedans deux grands pots liés et étouppés bouche à bouche, l’une ouverture contre l’autre, et bien curieusement bouchés de toile et liés de bonne ficelle ; le chien ne se voulant apaiser, on les ouvre : ils se trouvent pleins de son et au dedans un grand crapaud vêtu de taffetas vert. » À ce moment, on vit s’approcher un homme « nullement soupçonné d’être sorcier, qui confessa ingénument que c’était lui qui avait enserré ce prisonnier dans ces pots, mais que ce n’était que pour le faire consommer là-dedans et trouver une certaine pierre que les crapauds ont dans la tête qu’on nomme crapaudine. Mais pour avoir cette pierre, il ne le fallait pas ainsi revêtir de livrée ; il y avait là quelque chose du métier (la sorcellerie) qui était en horreur jusqu’au chien. »

 

Les crapauds au sabbat

Jeannette d’Abadie, de Ciboure, apprit à de Lancre que le Diable faisait une sorte de baptême des crapauds dans le cimetière de Saint-Jean-de-Luz : « Elle a vu qu’après le sabbat, toute l’assemblée s’en allait au cimetière de Saint-Jean-de-Luz et de Ciboure… faire baptiser des crapauds ; lesquels crapauds étaient habillés de velours rouge, et parfois de velours noir, une sonnette au cou, et une autre aux pieds, avec un parrain qui tenait la tête dudit crapaud, et une marraine qui le tenait par les pieds, comme on fait aux créatures dans l’église, et ne sut nommer le parrain, mais bien la marraine qui est la fille de la dame de Martibelsaréna »

Crapauds dansant le sabbat, Dictionnaire Infernal

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