4e de couverture :
Nicolas Milhé est né en 1976 à Bordeaux, il vit et travaille à Paris. Diplômé de l'Ecole des Beaux-Arts de Bordeaux, il a été résident du Pavillon au Palais de Tokyo à Paris. Se référant au contexte social, politique et économique, ses oeuvres révèlent un esprit délibérément caustique, dérangeant l'ordre des usages, des représentations et des attentes. La pièce Respublica, réalisée en 2009, provient d'une commande publique de la Ville de Bordeaux et du conseil régional d'Aquitaine dans le cadre d'Evento. Elle fut exposée à Bordeaux sur les quais de la Ville, toute proche des spectateurs, puis au sommet de silos, en hauteur, dominant la ville, du côté des Bassins à flots.
Des coups de pieds sont donnés, place Julien-Pras, dans un chapeau volé à une septuagénaire, sans que personne ne s’en inquiète. Si le lecteur pouvait se tenir au plus près de cette situation, il découvrirait la vision pathétique de cette femme, larmoyant seule au milieu de la foule. Elle s’est arrêtée, a sorti un mouchoir, a entrouvert la bouche. Mais aucun mot ne vient. Elle se tient là, muette parmi les flux humains de la métropole. Ils me fascinent et m’exaspèrent: ne peuvent-ils produire autre chose que ce malheur étrange? Les voilà traversant la place Dominique-Pansera, donnant — donc — des coups de pied dans le chapeau qu’ils ont volé à cette pauvre femme (peut-être un cadeau d’un être cher). Ils semblent s’amuser au plus haut point à l’idée de saper la valeur symbolique (encore) des objets de ceux qui composent la foule. Oublions, si cela se peut, le comportement de ces deux-là, et essayons de comprendre ce que la septuagénaire, toute affligée et terrorisée qu’elle est, est en train de percevoir sur elle-même et sur ses contemporains. Pense-t-elle ce soir-là à l’harmonie du « vivre ensemble » dans la nouvelle « ville-monde » ? Cette pensée des concepteurs urbains, les sauvages l’ont saccagée comme s’il s’agissait d’un scénario inutile et faux... »