BLANCOU Robert

Avec la verve qui caractérise ceux qui sont nés au pays du soleil et des cigales, Robert Blancou fait revivre cette fameuse école taurine dont il a été l'âme, mais aussi le "mundillo" de l'époque, les courses de village entre Rhône et Vidourle, les fêtes en Camargue, les débuts de la feria de Nîmes, le pittoresque quartier du Mont-Margarot.

A l’époque du vélo à cornes » - Libération, le 24 juin 2010

La pique ? Un manche à balai. Le cheval de picador ? Une barrière en fer ou alors Louis qui porte un pote sur ses épaules. Les banderilles ? Des manches d’épuisette ? La musique ? En soufflant dans les mains « L’air du toréador » de Carmen ou le paso doble « El Gato Montés  ». Les oreilles des triomphes ? Des semelles noires de godasses. Le péon qui torée d’une main ? Maurice Soulier, de la porte Cancière, excellent dans l’exercice. Les toros, les maestros, les banderilleros, le président, ses assesseurs, le picador ? Tirés au sort pour savoir qui fait quoi dans les corridas pour rire, mais pas tellement, du Mont-Margarot à Nîmes. La porte du toril ? Il n’y en a pas. Mais on fait semblant de l’ouvrir. Sur quoi ? Sur une sorte de demi-vélo à cornes, fabriqué dans la serrurerie ferronnerie d’Antonin rue nationale. Antonin, le tonton de Robert Blancou qui a reçu ce mirifique « taureau mécanique » pour la Noël de 1953. Robert Blancou a dix ans et, sur les toros, il en connait un rayon qui n’est pas de bicyclette. Son grand-père organisait des corridas à Nîmes, son père Maurice, enseignant, est capable en trois coups de craie de dessiner un toro de combat au tableau noir. Mieux, il a traduit et publié pour la première fois en France le texte officiel de la Bible : le Règlement Taurin espagnol. Lui, Robert a vu sa première corrida à 3 ans et avant de savoir lire, il peut réciter le nom de toutes les passes et la liste des plus grands matadors. Les cornes recourbées du toro naturalisé du local de l’Union Taurine lui font penser aux crochets de sa balançoire et le coiffeur qui lui coupe ses tifs de gamin lui demande : « comment je te les coupe aujourd’hui ? A la Parrita, à la Dos Santos, à la Rivera ? » « A la Rivera ». C’est son matador préféré. Avec le taureau mécanique, Robert se retrouve avec sa bande de copains sur le bassin du Mont-Margarot, au bout de la rue de la Faïence. Si le bassin du Mont-Margarot est un terrain vague recouvrant un des réservoirs d’eau de Nîmes, la passion pour la corrida de Robert et de ses amis est tout sauf vague. Elle est précise, didactique, ludique et acharnée. Le lieu devient une sorte d’école taurine sans le nom et assez buissonnière où l’on refait, dans des corridas réglées comme les vraies, les gestes des toreros vus dans les arènes ou sur les photos des revues taurines. Ainsi, celui que le sort a désigné pour pousser le taureau mécanique doit savoir faire le taureau qui se retourne vite à gauche, celui qui accroche de la corne droite, celui qui est un peu fuyard, celui qui charge par saccades brusques, celui qui gratte le sol ou encore celui de Carlos Nuñez qui un dimanche de Pentecôte à Nîmes a permis au mexicain Carvajal de triompher dans une corrida fameuse. On est dans les années 50, la feria de Nîmes voit le jour et Dario Moreno chante « Si tu vas à Rio ». Les nîmois balancent entre la brandade de morue Raymond et la brandade de morue Mouton, deux fabricants locaux, et certains des mistons bientôt adolescents du Mont-Margarot balancent, eux, entre le jeu et la vocation professionnelle, avant d’aller se frotter aux vaches des tientas dans les élevages de Camargue ou aux vachettes et taurillons des fêtes votives. Alain Montcouquiol part tenter sa chance du coté de Salamanque et Simon Casas se profile derrière Bernard Dombs. Deux minots pointent leur bout de nez sur le Margarot. Christian Montcouquiol futur Nimeño II et Lucien Orlewski futur Chinito. C’est ce que raconte Robert Blancou dans un livre* charmant, bourré de personnages et de souvenirs où derrière la planète locale taurine se dessine le Nîmes populaire de l’epoque. Celui où Jean Claude Sylvan dit Grenouille fondait la peña Chicuelo II et où le bureau de tabac de monsieur Régnat rue Rangueil avait un rideau de perles en bois.

Jacques Durand

Désolé pour le dérangement.

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