LEFEBVRE Henri

Henri Lefebvre,  16 juin 1901 à Hagetmau (Landes), meurt en 1991 à Navarrenx (Pyrénées-Atlantiques). Il est un universitaire français, sociologue, géographe et philosophe.
Il a étudié la philosophie à la Sorbonne, diplômé en 1920. De 1930 à 1940, il est professeur de philosophie. En 1940, il rejoint la Résistance. De 1944 à 1949, il est le directeur de la station de Toulouse de la Radio-diffusion française (R D F).
Son évolution au cours des années 1950 concernant la théorie marxiste, en particulier son rejet sans concession du stalinisme, lui vaut d’être exclu du PCF en 1958.
En 1960, il signe le manifeste des 121 pour le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie.
En 1962, il devient professeur de sociologie à l'Université de Strasbourg, puis à Université de Paris X-Nanterre de 1965 à 1968. Il influence directement les étudiants qui initieront le mouvement de Mai 68, puis livre une analyse à chaud des évènements[1]. Il finit son parcours à l'Institut d'urbanisme de Paris.
Dans son hommage, le magazine Radical Philosophy écrit :
« Le plus prolifique des intellectuels marxistes français, est décédé dans la nuit du 28 au 29 juin 1991, peu après son 90e anniversaire. Pendant sa longue carrière, son travail a été plusieurs fois à la mode ou non suivant les périodes, et a influencé non seulement le développement de la philosophie, mais aussi celui de la sociologie, de la géographie, des sciences politiques et de la critique littéraire [2]. »
L'année 2009, pour la première fois depuis sa mort, a vu plusieurs livres paraître sur ce philosophe.

Près de dix ans après sa mort, la pensée d'Henri Lefebvre demeure, sinon incomprise ou méconnue, du moins mal interprétée, parce qu'il n'a jamais été facile de la classer sur la table de Mendeleiev de la « pensée contemporaine ». Trop communiste pour être philosophe, trop philosophe pour être communiste, Lefebvre n'a sans doute pas su se construire un profil de carrière susceptible de le faire reconnaître pleinement par l'une ou l'autre des institutions, de se muer en académicien de la conscience comme Sartre ou Aron, ou en apparatchik politique comme Aragon. Cela est bien connu lorsqu'il s'agit de l'histoire de ses rapports avec le parti communiste. Venant de l'avant-garde politico-mystique (le groupe Philosophies), il y entre en 1928, mais pour tenter de faire de la théorie marxiste à l'heure où Staline prépare la collectivisation et où Thorez va mettre en place la stalinisation à la française. On comprend que les intellectuels-de-parti n'aient pas su par quel bout prendre quelqu'un qui travaillait non seulement, le premier en France, sur les fameux « manuscrits de jeunesse » de Marx destinés à un si bel avenir de coupure épistémologique, mais aussi sur Hegel, sur Nietzsche, sur Kierkegaard, sur Pascal. La seule époque où Henri Lefebvre fera figure de « philosophe officiel » du PCF durera de la Libération à l'automne 1947, et c'est la seule où il donnera quelques gages douteux de bonne volonté, en particulier dans l'« affaire Nizan ». Mais c'est aussi le moment où il publie des ouvrages bien éloignés de la « science prolétarienne », en particulier le premier volume de Critique de la vie quotidienne. Sa rupture avec le stalinisme, progressive dès 1953, ouverte dès avant 1956, conduira à son exclusion en 1958 (Michel Trebitsch : L'exclusion d'Henri Lefebvre en 1958 : philosophie et politique)..
On ne peut donc s'étonner que le parti communiste ne se soit pas réellement intéressé à la pensée de Lefebvre, sauf à des fins publicitaires, puis pour le condamner, avant de le réintroduire à partir des années 1980. Ce qui est autrement plus captivant et même énigmatique, c'est la relation établie par la philosophie française avec le marxisme lefebvrien. La place qui lui est accordée dans les (rares) ouvrages sur la question est étonnamment limitée, voire nulle. Qu'on aimerait rappeler, pourtant, à Vincent Descombes que Le Même et l'autre est le titre de l'introduction rédigée par Henri Lefebvre aux Recherches philosophique sur l'essence de la liberté humaine de Schelling, parues chez Rieder en 1926 ! On peut émettre l'hypothèse que la méconnaissance à l'égard de Lefebvre est, en France, à l'exacte mesure de la fascination équivoque exercée par Heidegger. La phénoménologie à la française, qu'elle se soit appelée existentialisme dans les années 1950 ou structuralisme dans les années 1960, ne pouvait susciter qu'un mécanisme de rejet à l'endroit de la tentative de greffe lefebvrienne. Le débat avec Henri Lefebvre a été minutieusement circonscrit : quelques lignes chez Sartre (Critique de la raison dialectique), quelques affrontements plus sérieux sur Pascal et l'aliénation avec Lucien Goldmann, c'est-à-dire, indirectement, avec Lukàcs. Voilà pourquoi ce n'est jamais véritablement la pensée de Lefebvre qui a été discutée en France (à la différence de l'Allemagne, de l'Italie et, plus récemment, des États-Unis), mais son statut de philosophe. Défini avant tout comme sociologue (du quotidien, de la ville, de l'urbain, avant tout) et enfermé dans cette fonction, il ne pouvait qu'être perdant face à la montée en puissance de la sociologie américaine d'un côté, du monolithe bourdivin de l'autre. Mais personne n'a tenté d'éclairer les choix sociologiques de Lefebvre par sa posture philosophique, c'est-à-dire la volonté d'introduire dans la pensée, de faire accéder à la pensée, comme il aimait à le dire, un certain nombre de concepts, parmi lesquels, au tout premier rang, celui de quotidienneté et celui de modernité (Michel Trebitsch : Henri Lefebvre en regard de Michel de Certeau : Critique de la vie quotidienne). On lui lançait alors un autre reproche oblique : ses élaborations conceptuelles demeuraient approximatives, sinon fumeuses. Et depuis quand le « je ne sais quoi » a-t-il empêché Jankelevitch d'être pris pour un philosophe et non pas pour un essayiste ?
Henri Lefebvre a beaucoup écrit, peut-être trop, et s'il s'est répété souvent, c'est qu'une même interrogation parcourt l'ensemble de son œuvre. Ses premiers textes publiés, en 1924-1925, sont des « Fragments d'une philosophie de la conscience ». De La Conscience mystifiée (1936) à Critique de la vie quotidienne (1947), d'Introduction à la modernité (1962) à La Fin de l'histoire (1970), de La Présence et l'absence (1980) à Qu'est-ce que penser ? (1985), il n'a cessé de vouloir fournir à cette interrogation sur les conditions de la conscience une réponse qui soit à la fois philosophique et métaphilosophique, parce que le marxisme lui apparaissait à la fois comme philosophie et dépassement de la philosophie. Les seuls qui aient réellement tenté de débattre avec Henri Lefebvre, ce sont les milieux chrétiens : le personnalisme aux temps de la naissance d'Esprit, des jésuites comme le Père Calvez au lendemain de la guerre. Ce n'est pas un hasard. La phénoménologie à la française s'est construite à la fois contre le marxisme et contre la partie la plus visible, ou du moins la plus militante, de l'existentialisme chrétien. Peut-être est-ce ce dernier qui, au bout du compte, l'a emporté ; mais quand se constitue l'existentialisme sartrien, puis quand se met en branle, via Lévi-Strauss, Barthes ou Althusser, la victoire structuraliste des « sciences de l'homme » sur la philosophie, c'est par référence et en situation polémique par rapport au marxisme. C'est en ce sens que, face à Marx, il fallait un héros (héraut ?) - Heidegger - et des vérités marginales (Kojève, Bataille, le Collège de sociologie) ou exotiques (Lukàcs, Marcuse, l'école de Francfort), et surtout pas chercher, là, sous nos pieds, si quelqu'un d'autre s'essayait aux mêmes exercices spirituels : pourquoi des penseurs en temps de détresse ?

 

Désolé pour le dérangement.

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