Les landes, terres d'expérimentation au XIXeme

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Projets ambitieux, tentatives ratées ou grande réussite, les landes furent au XIXeme siècle sous l'influence des préfets, une véritable terre d'expérimentation agricole et industrielle !

Les landes du XIXeme : une surprenante terre d'expérimentations

Sous-chapitre extrait de l'excellent ouvrage de Jean-Jacques TaillantouPetite histoire des landes " (paru en avril 2020 aux éditions Cairn)

Politique Napoléonienne et rôle des préfets

Les Landes du début du XIXe siècle deviennent pendant une quinzaine d’années une surprenante terre d’expérimentations, une sorte de laboratoire dont les « apprentis sorciers » seraient les… préfets. Leur arrivée à la tête des départements répond à une volonté affirmée de Napoléon Bonaparte de rétablir l’ordre dans le pays après la décennie révolutionnaire. Mais son autre rôle, défini par Lucien Bonaparte, ministre de l’Intérieur, est également « d’assurer le bonheur de ces concitoyens », formule qui s’inscrit dans le droit fil de l’esprit des Lumières. Sont fixées ainsi aux préfets des tâches que n’auraient pas reniées les physiocrates du XVIIIe siècle. Le bonheur des Français passe en effet, aux yeux du frère de Bonaparte, par l’essor économique du pays, c’est pourquoi les préfets sont invités à encourager la production agricole, le commerce et l’industrie. Il incite les préfets à l’émulation : « L’influence de vos travaux peut être telle que dans quelques mois le voyageur, en parcourant votre département, dise avec une douce émotion : Ici administre un homme de bien ».

L'influence du préfet Duplantier dans les Landes

Dans les Landes, les deux premiers préfets (1801-1810) du département, Alexandre Méchin et Jean-Marie Cécile Valentin-Duplantier, répondent largement aux attentes du prototype du préfet dessiné par les Napoléon. Effectivement, héritiers des Lumières et des physiocrates, ils portent des projets ambitieux parfois singuliers ou exotiques, bousculant néanmoins les codes économiques habituels à l’origine d’une dynamique qui se poursuivra tout au long du siècle. Dès son arrivée dans les Landes, Méchin crée la Société d’Agriculture, véritable pépinière d’hommes éclairés et d’initiatives agronomiques. Duplantier, présent dans les Landes durant près d’une décennie (un record encore aujourd’hui pour un préfet !) eut tout loisir de mettre en oeuvre ses idées ô combien nombreuses et variées. Dans le domaine de l’industrie, il encourage l’usage d’innovations techniques comme le bélier hydraulique de Mongolfier pour l’irrigation, l’égrainoir de Dom Ulloa pour décortiquer l’arachide, ou la machine à carder et filer la laine de M. Douglas. La politique industrielle s’oriente vers deux domaines : la métallurgie et la fabrique de laine. Le préfet promeut la production des trois forges déjà existantes, Pontenx, Uza et Ychoux, sollicitant le gouvernement afin qu’il passe des marchés avec elles.

Jean-marie Cécile Valentin-Duplantier/ gravure - © Wikicommons

Hybridation des races locales : brebis et chevaux

Il favorise la création de fabriques d’étoffes grossières pour alimenter la consommation locale. À son départ, on en dénombre une vingtaine. Pour les fournir en laine, il faut améliorer les piètres performances de « la brebis indigène chétive ». C’est ainsi que sont introduites des brebis mérinos espérant, par croisement, voir « se métamorphoser les toisons les plus grossières en un lainage susceptible de se prêter aux ouvrages les plus délicats ». L’installation d’une ferme impériale à Cère, sous l’autorité de Poyeferré, devait y contribuer. Au départ de Duplantier en 1810, l’effectif des ovins de race pure s’élève à plus de 300, mais la tâche est énorme et les objectifs avoués restent à l’état embryonnaire. Des troupeaux d’équidés erraient aussi dans les dunes et lettes du littoral landais. Réputés agiles et infatigables, ils furent jugés aptes à la remonte pour les régiments de hussards. Conscient de la menace qui pèse sur cette race de chevaux, leur territoire s’amenuisant face à la forêt colonisatrice, Duplantier acquiert pour le département des étalons andalous mis à disposition des éleveurs landais. Parallèlement, il crée un établissement de courses à Tartas.

Tentatives d'introduction d'espèces exotiques : Chameau et buffle diabolique

Duplantier, comme son prédécesseur Méchin, a parfois des ambitions utopiques, teintées d’une dose d’exotisme. Ainsi le premier envisage-t-il la venue du chameau sur les terres landaises, les comparant aux « déserts de l’Arabie et de l’Afrique » D’après lui, ce ruminant s’adapterait parfaitement aux sables dont il est familier. L’espoir d’implanter des buffles dans le département ne demeura pas à l’état de projet. Vantant les qualités de ce bovidé friand « d’herbes marécageuses qui ne conviennent pas à nos bêtes à cornes », « dur au travail », Duplantier en introduit 9 dans les Landes qu’il répartit sur des communes littorales et lacustres. L’expérience ne fut pas prolongée, d’autant plus que les mentalités n’étaient pas encore prêtes à tous ces changements. Ainsi deux buffles égarés dans les landes de Saint-Paul-lès-Dax apeurèrent-ils des habitants du village. Le mâle fut abattu à coups de fusil et pour s’assurer qu’il ne pourrait se relever, ils lui coupèrent les « jambes de peur qu’il ne ressuscite disant que c’était le diable ».

Gravure d'un buffle au XIXeme - © Wikicommons

Nouvelles expériences de culture agricole

Agronome de vocation, Duplantier est un fervent partisan de l’implantation de cultures nouvelles dans les Landes. Il souhaite la création de prairies artificielles qui permettraient la multiplication et la qualité des lieux de pacage. Il conseille l’emploi de luzerne, de trèfle blanc de Hollande dont il commande lui-même les graines. Les succès obtenus encourageront les éleveurs à répandre et maintenir cette culture, en particulier en Chalosse et en Armagnac. Il soutient également les premiers essais de culture de la pomme de terre, puis généralisée à l’ensemble du département, avec des résultats nuancés selon les régions et les sols landais : demi-échec dans les sables de la Haute-Lande, réussite en Marensin et Marsan. La culture de la betterave à sucre est également expérimentée avec des résultats positifs dans les cantons environnants de Dax. Celle du pastel fut étendue à l’ensemble du département à la suite de prometteuses premières récoltes. Il n’en fut pas de même pour le cotonnier qui ne put résister aux trop grandes différences de températures et aux pluies océanes. Pour l’arachide, V. Duplantier poursuit avec zèle l’initiative de son prédécesseur Méchin qui préconisait l’introduction de cette légumineuse dans les Landes. L’enthousiasme est grand et communicatif. L’« arachidomania » gagne les cuisines landaises : le Journal des Landes dispense à ses lecteurs des recettes concoctées à partir des graines d’arachide. Mais l’embellie est de courte durée, l’arachide est sur le point d’être abandonnée dans le département alors que Duplantier le quitte en 1810.

© Unknown author - Vilmorin-Andrieux & Cie, 1904. Les plantes potagères.

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