GR10 : Les conseils de Jean Eimer

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La traversée mythique des Pyrénées racontées par l'auteur et journaliste Jan Eimer

7 questions sur la traversée du GR10

Jean Eimer, ancien journaliste reporter à Sud-Ouest et auteur de plusieurs livres aux éditions Cairn, se prête au jeu du question réponse pour nous en dire plus sur sa traversée des Pyrénées par le GR10. C'est d'ailleurs le sujet de la nouvelle édition de son ouvrage " Une traversée " récit vibrant de son voyage en solitaire sur cette randonnée reliant la mer Méditerranée à l'océan Atlantique. Nous avons décidé de lui poser quelques questions qui pourraient servir à celles et ceux qui voudrait se lancer dans cette aventure pédestre hors du commun !

Bonjour Jean, on est vraiment heureux de rééditer votre journal de bord " Une traversée " ! Selon vous, depuis la première publication de ce récit, est-ce-que la montagne connait un regain d’intérêt chez les touristes ?

Depuis la traversée, 35 ans ont passé. Si le marcheur a vieilli, ce n'est pas le cas de la montagne qui garde tout son peps. D'autant que la ribambelle de confinements imposés par la pandémie a créé chez beaucoup un grand besoin d'air et d'espace. Jamais sans doute la montagne n'a aussi bien déconfiné le corps et l'esprit.

Quels conseils donneriez vous à quelqu’un qui voudrait se lancer dans une traversée du GR10 ?

Tout d'abord de faire un tour chez son médecin avant d'enfiler ses chaussures de marche. De ne pas partir la fleur au bec en comptant sur sa bonne étoile pour apprivoiser la montagne. De se rappeler que prudence est mère de sureté. Mais en même temps de ne pas avoir peur. L'aventure c'est l'aventure et on ne risque pas de la vivre si on ne lui tend pas les bras.

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Le tracé du GR10, toutes les étapes d'une randonnée incroyable dans les Pyrénées, une distance entre 900 et 1100 kilomètres selon le parcours.

 Justement, pourquoi avoir fait le choix d’une traversée en solitaire ?

Il s'agissait d'un reportage. Ma profession de journaliste imposait beaucoup d'heures de bureau dans l'année. Or ma tête ne se trouvant jamais mieux que lorsque mes jambes gigotent, j'ai proposé ce reportage que la direction du journal, louée soit-elle, a accepté pour en faire un feuilleton dans les pages vacances de l'été. Voilà l'histoire, voilà pourquoi je suis parti seul.

Pensez-vous que cette randonnée est accessible à tous, même sans entrainement ?

Je suis le dernier à qui il faut poser pareille question. J'étais parti sans autre entraînement que celui qui me faisait marcher de chez moi à mon bureau qui se trouvait à portée d'arbalète, ou au bistrot puisqu'on sait bien que les journalistes doivent fréquenter ce genre d'établissement pour leur travail... Mais je mens un peu : toujours pour le journal qui m'employait, j'étais allé trois ou quatre ans avant à Saint Jacques de Compostelle à pied et je m'étais déjà aventuré dans les Pyrénées pour effectuer un voyage avec un âne, refaisant ce que Stevenson avait fait dans les Cévennes. Ce que je peux dire, c'est que techniquement le GR10 ne présente pas de difficulté particulière. Reste que la traversée ne relève pas physiquement de la simple promenade et mieux vaut en avoir conscience avant de s'y engager.

Votre meilleur souvenir sur le GR10 ?

Le vent du sud qui soufflait sur les prairies entre la vallée du Louron et celle du lac d'Oô. Les hautes herbes de la Saint Jean ondulaient sous les rafales, faisant croire à quelques gigantesques crinières sauvages. Les fleurs étaient si nombreuses que l'air embaumait le miel.

et le pire…mais qui pourrait vous faire sourire avec du recul ?

La première étape. Peu après Hendaye, quand le sentier s'est brusquement redressé sur une crête, j'ai cru malin de ne pas ralentir le rythme de mes pas. Cette prétention a fait que je me suis retrouvé assis au bord du sentier sans l'avoir voulu. Une sorte de KO bien mérité. Il m'a fait comprendre qu'on ne joue pas avec la montagne considérée comme une adversaire à vaincre. C'est une partenaire.

Quelle étape du voyage vous a le plus marqué ?

Sans doute la traversée de l'Ariège. Un slogan faisait du département la "Terre courage". Le climat y est rude, les vallées sont très resserrées, l'économie n'y brille pas de mille feux. Ces contraintes façonnent des caractères exceptionnels et permettent des rencontres inoubliables.



Etes-vous nostalgique ? Avez-vous encore des projets d’aventures à faire à pied  ou préférez vous maintenant les marches à la journée ?

Pas nostalgique. Chaque âge a ses plaisirs et il existe d'autres sentiers au long cours, certes d'une autre nature, pour exercer son cerveau.

Le bâton a-t'il vraiment été abandonné ?

J'ai toujours des bâtons de marche et tout dernièrement j'ai acheté de nouvelles chaussures de montagne...affaire à suivre !

Le GR10 en quelques chiffres :

  • 55 jours de marche en moyenne (avec les jours de repos)
  • Env 900 km
  • 55 000 m de dénivelé positif et négatif

Voici un extrait du récit " Une traversée, les Pyrénées de Hendaye à Banuyls par le GR10 " de Jean Eimer, la rencontre avec Jojo en Ariège qui illustre bien le propos de Jean sur cette région à la fois sauvage et magnifique...

" Enfin, comment ne pas évoquer Jojo l’aubergiste. Jojo de Siguer, comme il aime à le dire en se présentant. Il parle de tout ce dont il ne peut pas suffisamment parler tant les clients sont rares. Un randonneur citadin qui sort un cahier pour prendre des notes, c’est cadeau pour lui. Alors il parle, il raconte le village, la terrible anémie vécue comme une malédiction. Il libère un torrent de paroles trop longtemps contenues. Voix rocailleuse, transitions oubliées dans l’urgence d’énoncer. Il est question du poste de douane qui avait été installé là pour contrarier les contrebandiers venus d’Andorre puis, dans la foulée et semble-t-il sans liaison, des impôts qui lui cherchent des noises. Question aussi de la randonneuse solitaire qui s’était avancée dans la montagne l’automne dernier. «Elle était partie avec une flûte pour tout bagage alors qu’il allait tomber trente centimètres de neige la nuit suivant son départ… Quelques saisons avant, une autre femme, une pharmacienne, était passée au village. Elle avait mangé ici. Elle disait qu’elle avait l’habitude de randonner seule. On a retrouvé son cadavre dans son sac de couchage à l’abri d’un rocher. Elle était sans doute morte de froid. Juste à cinquante mètres du sentier. Moi, je n’irai jamais seul en montagne. Vous savez, ce pays, c’est celui de la femme sauvage, celle qui vivait entièrement nue dans les forêts…»
Le temps et la conversation s’étirent. Certes, il n’est pas encore l’heure de dîner. Mais comment partir? Comment
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priver Jojo d’un auditoire? Aussi je demande si je peux manger. «Bien sûr! J’ai des côtes d’agneau, ça vous va? Je vais vous faire de la salade et quelques frites avec. Le temps de les préparer…»
Tout en épluchant les pommes de terre dans la pièce à côté, Jojo continue son récit. Un moment il s’interrompt. Je l’entends farfouiller dans un tiroir ou sur une étagère, puis une radio-cassette crachote. Jean Ferrat.
“Ils quittent un à un le pays
“Pour s’en aller gagner leur vie
“Loin de la terre où ils sont nés
“Depuis longtemps ils en rêvaient
“De la ville et de ses secrets…
“Pourtant, que la montagne est belle…”

De sa cuisine, Jojo commente: «J’ai pensé que ça vous ferait plaisir de l’entendre ici. Vous voulez que je la remette?»
Maintenant le soir tombe. Peu de fumée sur les toits. Difficile de ne pas se laisser submerger par tout ce qui vient d’être partagé. Pour me réchauffer le coeur, je me rappelle que le matin même j’ai vu deux papillons s’envoyer en l’air dans l’acception la plus aérienne du terme. Un seul agitait ses ailes. L’autre était accroché tête-bêche en dessous.
Un transport amoureux "

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